Je crois que nous découvrons l’amour.
33. 5 mars 1960, notre mariage.
34. Août 1960, naissance d'Hervé, départ au service militaire.
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35. Avril 1961, le putsch d'Alger, caporal de semaine.
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Une éclaircie se produit et je peux partir pour le fort de Bicêtre. Les bâtiments sont quasiment déserts. Les « bleus » ont été ventilés dans leur nouvelle affectation. Il ne reste que l’encadrement, sous-officiers et caporaux, et quelques reliquats en attente de réforme. Je m’installe n’importe où, dans une chambre. J’ai un réflexe salutaire car le caporal de semaine cherche des gardes de nuit sur les remparts. Il passe, me demande de quelle compagnie je suis. Je lui réponds de manière erronée que je suis de la 2e. Il a dû me prendre pour un idiot, et c’est tant mieux. Je l’ai échappée belle car si j’avais répondu la vérité, que j’étais de la 4e compagnie, j’étais bon pour la garde de nuit, attendant les paras qui ne viendront jamais. A ce sujet, on m’a même raconté que certaines sentinelles apeurées avaient tiré sur des cheminées des immeubles alentours, les prenant pour des ennemis. Je ne sais pas si c’est vrai.
37. Fin 1962, le passage de Jaurès à Laumière.
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38. Août 1963, voyage au XIXe siècle.
Début 1957 à juin 1958, intermède.
En ce qui me concerne, je ne vois pas de journée marquante pendant ces 18 mois. Rien que la routine agitée habituelle.
Au plan des événements intérieurs et extérieurs, c'est une période très agitée.
À l'international, c'est la première fissure du paradis communiste. L'intervention soviétique à Budapest a marqué ce moment, les idées indépendantistes vis à vis du joug soviétique sur les satellites d'Europe de l'est et notamment de la Hongrie provoquant des réactions dans le monde qui entament le bloc de l'est. Les chars soviétiques remettent de l'ordre dans la maison, pour un temps.
À la fin de l'année 1956, la France, la Grande Bretagne et Israël étaient intervenus sur le canal de Suez et en Égypte. L'URSS et les USA avaient remis les choses en place en menaçant les belligérants de leur régler leur compte, de manière nucléaire s'il le fallait. Heureusement, nous reculons. Le canal de Suez est nationalisé par Nasser et rendu inopérant à la navigation en y coulant des navires.
Au plan français, la 4ème République se meurt à cause de sa constitution qui amène des crises gouvernementales très rapprochées. Pourtant, sans le savoir, nous sommes dans les 30 glorieuses. Cela favorisera et amènera l'arrivée du général De Gaulle et de la 5eme République.
Un autre élément essentiel de cette période est l'intensification de la guerre d'Algérie. En 1956, Guy Mollet, président du conseil socialiste a décidé d'envoyer le contingent en Afrique du Nord faisant passer le service militaire de 18 à 27 mois. Les jeunes hommes de l'époque en sont très affectés, moi comme les autres.
D'ailleurs, c'est pendant cette période que je perdais mon meilleur copain d'Arago, Jean-Jacques Mermelstein qui était un type hyperdoué au plan physique, au plan artistique, ashkénaze, très intelligent, pas trop fait pour les études parce que trop décontracté et pas très courageux. Après le BAC, il part au service militaire et devient sous-lieutenant en Afrique du Nord. Il meurt bêtement sous la douche, d'un arrêt cardiaque.
De mon côté, il se passe pas mal de choses en continu.
Au plan professionnel, j'assure mes 16 heures de travail dans 3 petites écoles élémentaires à Antony, Chatenay-Malabry (Mazaryk que fréquentera Hervé 10 ans plus tard) et la petite école rurale de Rungis, quel changement !.
Les études au cours normal se passent sans problème et sans contrôle. Je présente et réussit en 1957 le 'suppléant' qui est, en quelque sorte, la première partie du concours pour lequel je postulerai en juin 1958.
J'ai des problèmes d'autorité dont je manque naturellement. De plus, je suis un peu désarmé car je n'ai jamais encadré d'enfants avant de commencer à travailler. La deuxième année, je ne prends que 12 heures de cours en vue de préparer sérieusement le concours. Je règle mes soucis d'autorité en choisissant une posture un peu 'nazi' . Je corrigerai cette tendance en prenant confiance en moi.
La vie et les loisirs sont à peu près les mêmes qu'auparavant ; je garde des relations avec James Thibault, noue de nouvelles amitiés avec Roger Monti qui prépare, comme moi, la Ville de Paris et Pierrot Decraëne qui nous apprend à jouer au bridge. Nous sortons pas mal.
1er Madet, 2ème Guinegagne !!! |
Au plan sportif, c'est la fin. L'entraînement, où je n'ai jamais été une foudre de guerre, parce que trop amateur, me pèse.
Je serai battu aux championnats de France à La Seyne par un vieux cheval de retour, Madet, alors que j'étais favori.
L'Espagne et Salou sera notre destination de vacances, classique, où je poursuivrai mon flirt britannique avec Helen. Je crois qu'elle était plus éprise que moi. Elle s'était placée en France au cours de l'hiver 1957. Mon affirmation est assez prétentieuse car je n'en suis pas plus sûr que cela.
Voici brossée cette période fertile en événements généraux mais peu en faits ponctuels particuliers.
Voici une période riche en évènements. Le piétinement de la guerre d’Algérie, la faiblesse de la IVe République, les émeutes d’Alger amènent De Gaulle au pouvoir. Cela bouge beaucoup mais je me sens modérément concerné. Un peu gaulliste par tradition familiale, un peu nationaliste, je suis content de ce qui arrive, mais sans plus, toujours un peu tourmenté par le « maintien de l’ordre » en Afrique du Nord.
Nicolle Coail |
Jean Seberg |
Un après-midi, je me balade aux Buttes-Chaumont, avenue Laumière. Je croise un couple dont je connais le garçon. Alain Antoine est accompagné d’une jolie fille. C’est une grande mince, à cheveux courts, châtains clairs, d’allure sportive. Elle a de magnifiques yeux de chat, bleus clairs. Elle me fait penser à Jean Seberg du film à succès de l’époque : « A bout de souffle ». Je me dis à moi-même « quelle jolie fille, exactement comme je les aime ». Je la reverrai quelques semaines plus tard au 'Rocher', un bistrot que nous fréquentions place Armand Carel.
Nicolle et 'Buck' |
A ce moment-là, elle flirtait avec Buck, André Piedalu, un copain de la bande. Il revenait d’Algérie et était marqué psychologiquement. Ce jour-là, elle portait un tee-shirt bleu ciel et blanc aux couleurs du Racing. Je lui ai fait remarquer cette ressemblance de couleurs, mais, probablement peu sportive, elle n'avait pas fait le rapprochement.
Entretemps, Roger et moi présentons le concours de la ville de Paris. Nous sommes 140 garçons à concourir pour 30 postes. L’écrit se passe assez bien car, en Anatomie, je connais bien le sujet tiré : la coxo-fémorale. A la fin de l’écrit, il en reste une soixantaine à avoir la moyenne. Il faut donc penser aux épreuves physiques. 2 groupes d’épreuves essentielles composent ces exercices. Les notes éliminatoires sont de 6/20.
L’athlétisme ne pose pas de problème. Je suis probablement le meilleur de la promotion malgré Jean Darot, champion de France de disque et quelques autres moins connus.
Heureusement que j’avais cette corde à mon arc car, en gymnastique, ça frise la catastrophe. Au sol, je sauve les meubles avec 8/20 coefficient 3 ; aux barres parallèles, c’est mal : 5/20, à la barre fixe, guère mieux : 7/20, au cheval, c’est un peu mieux grâce à un dernier saut à risques : 11/20, enfin le grimper de corde, où il faut monter 5 mètres effectifs départ assis, 14 ou 15/20.
La natation et les sports collectifs sont peu cotés, cela ne pose donc pas de problème.
Par bonheur, ayant peut-être été trop sévère, le jury repêche une note éliminatoire. Nous restons environs 45 pour les 30 places à pourvoir.
Les vacances arrivent là-dessus. Salou sera notre destination avec Roger et Pierrot. Ce sont des vacances habituelles au camping sec et torride avec les mêmes divertissements qu’auparavant.
De retour sur Paris, il faut passer aux choses sérieuses. Je suis nommé dans une ville que je ne quitterai plus sur le plan professionnel : Fontenay-aux-Roses, avec un petit complément à Chatenay-Malabry. Fontenay comptait alors 5000 ou 6000 habitants et sa population allait sextupler. Les conditions de travail sont très bonnes ; pas de gymnase mais un beau petit stade contigu à l’école ; j’ai une petite appréhension avec les 6ème et 5ème où je n’avais jamais enseigné ; cela se passera très bien. Je « mate » très bien les fins d’étude de Monsieur Chausset, un timide pas mal chahuté et fait la connaissance d’un ami que je garderai toujours, Maurice Frugier, instituteur.
En fin octobre, Roger et moi finissons le concours par l’épreuve de pédagogie. Ce n’est pas extraordinaire : la quarantaine de candidats présentent 3 leçons notées par un aréopage d’inspecteurs sévères, nous fichant une trouille bleue. Arrive l’heure des résultats, Roger et moi sortons du métro, tremblants ; en chemin nous croisons des copains qui viennent de consulter la liste des reçus, rue Mabillon. L’un me dit : « pour toi, c’est bon », il ne dit rien à Roger. Il est très facile de trouver mon nom car je suis le dernier reçu : 23ème. Les 7 manquants avaient une note éliminatoire. Malheureusement, Roger n’est pas reçu, ce qui tempère ma joie que je ne peux décemment pas laisser éclater. Mais, ça y est, il n’y a plus que le CAP jugé sur une année de stagiaire et qui est plus ou moins une formalité.
A peu près à la même époque, commence avec MA Jean Seberg, Nicolle Coail, un flirt qui sera plus poussé et qui marquera bien sûr notre vie.
Germaine Coail, la mère de Nicolle |
A la fin de 1958 notre idylle avec Nicolle se transforme en une fréquentation de plus en plus sérieuse. En cette fin d’année, Nicolle et Marie-Lou, sa jeune sœur, perdent leur mère qui meurt dans les bras de Nicolle sur le quai de la gare d’Austerlitz. Atteinte d’un cancer du poumon, très croyante, elle partait à Lourdes dans un état désespéré, espérant un miracle qui n’aura pas lieu. Après maintes péripéties marquées par l’opposition de la « tante Dragon », Francine, sœur de la défunte, Nicolle et Marie-Lou, mineures âgées de 19 et 17 ans, sont placées sous la tutelle de leur cousin, Jean Book.
Nicolle, comme d’habitude est très mûre et assume tout, pendant que Marie-Lou larmoyante et affectée, subit tout.
L’hiver se passe, enfin le mois de mai 1959 arrive. Je crois que, dans ma vie, je n’aurai jamais aussi peu travaillé que sur ces 31 jours : les week-ends du 1e mai, du 8 mai, de l’ascension ont amené des congés à rallonge. 2 ou 3 expéditions de camping sont organisées avec toute la bande : ce qui fait, en tout, 10 à 15 copains et copines. On trouve bien sûr les Coail, Nicolle et sa sœur Mari-Lou, Pierrot Boubet, très amoureux de Marie-Lou qui deviendra mon beau-frère, Michel Vilcot et Jo, Benny Delamotte, plus quelques autres. Nous bivouaquons sur les hauteurs de Viarmes, près de la forêt. Au premier séjour, le temps est tellement mauvais que nous avons dormi dans le foin chez les parents de Pépino, mari d’Albertine, une très gentille cousine des Coail.
Jamborées : Marilou, Yvette Delamotte, Michel Vilcot, ?, Nicolle Coail |
Les séjours ont été très joyeux, bien arrosés. Une nuit, Marie-Lou a piqué une crise que je ne suis pas près d'oublier. Nous l'avons cherché dans la forêt, fouillant chaque buisson, l'appelant sans cesse, jusqu'à ce qu'elle revienne d'elle-même deux heures plus tard, complètement hébétée et hallucinée.
Nicolle et Claude |
Au dernier 'jamborée', je suis parti en scooter, pour revenir seul le samedi soir à Paris pour assister au baptême de ma nièce Annie, âgée de 6 mois, c'est la fille de mon frère Jacques et de sa femme Ginette.
Ces 'jamborées' ont été très joyeux mais ont probablement ajouté à la fatigue de Nicolle et ont probablement aggravé son état de santé, dont je vais parler bientôt.
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32. Août 1959, l'autostop et les postières de Narbonne.
Roger Monti, Claudine Washoll, Claude Guinegagne, Nicolle Coail |
Sur le boul'Mich |
A cette époque, Nicolle et moi sortons beaucoup, en semaine et surtout le week-end, avec de nos amis de l'époque, Roger Monti et Claudine Wascholl. Nicolle est férue de jazz moderne et me fait connaître des lieux où on joue cette musique : le Caméléon, situé place saint André des Arts qui accueille le "Modern Jazz Quartet" et où je vois, pour la première fois, des gens fumer du "H", boulette introduite dans une cigarette. Nous allons aussi au "Blue note" avec Benny Vertecen, et dans d'autres lieux, dont je ne me souviens plus les noms. Cette vie de "bâton de chaise" n'a pas dû arranger la santé de Nicolle.
Un après-midi, pour tirer au flanc et obtenir une demie journée de congé, Nicolle va passer une visite avec radiographie de thorax ; malheureusement ou plutôt heureusement, cet examen révèle une tuberculose pulmonaire assez avancée. Bien entendu, elle est désespérée et malgré sa nature dure et réservée, elle m'annonce en pleurs cette mauvaise nouvelle.
Elle est prise en mains par la sécurité sociale qui l'arrête immédiatement de travailler et l'envoie sous 15 jours en sanatorium : c'était la stratégie thérapeutique de cette époque.
Ce que nous ne savons pas, c'est que cette maladie grave est vaincue grâce aux antibiotiques. En ce mois de juillet, elle se retrouve dans une région magnifique proche du massif du Mont Blanc, au plateau d'Assy, au diable vauvert, à Guébriant.
Auparavant, j'avais présenté Nicolle à ma mère, toujours aussi douce, discrète et attentive, elle a toujours été ma confidente. Elle trouve Nicolle gentille. Je laisse mon père de coté car il représente l'autorité et le "terre à terre".
Et voilà une nouvelle ère qui s'annonce, Nicolle à 500 kilomètres et moi tourmenté par le futur service militaire avec peut-être l'Algérie pour horizon.
32. Août 1959, l'autostop et les postières de Narbonne.
Narbonne |
Nicolle est en sanatorium. Je vais la voir à Guébriant, la trouve bien, obligée de suivre les cures de repos et un traitement aux antibiotiques à haute dose. Je suis très étonné de voir ces femmes jeunes et moins jeunes, élégantes, pomponnées pour certaines d'entre elles, malades mais éclatantes de santé en apparence. C'est rassurant, j'espère que Nicolle l'a ressenti ainsi malgré son inquiétude. Je lui laisse de l'argent pour assurer mon retour car je reviendrai vers le 20 août.
Je pars en vacances pour la dernière fois à Salou avec James et Pierrot Decraêne. Tout se passe sans histoire sauf qu'à la fin je n'ai plus assez d'argent pour prendre le train. Je décide donc de faire le trajet Salou-Guébriant en stop. En cet après-midi suivant le 15 août, un copain me conduit à la sortie nord de Barcelone. Je prends mon poste d'autostoppeur au bord de la route. Ca marche ! Au bout d'environs une heure et demie, je suis à Figueras, et je reprends la manœuvre. Catastrophe ! personne ne s'arrête ; je lie connaissance avec un jeune belge ; nous décidons de nous associer dans notre quête de voiture. Cela ne va pas mieux. La nuit tombée, nous arrêtons car personne ne prendrait 2 hommes à cette heure-là. On trouve un hébergement bon marché dans cette gentille ville catalane décidés à reprendre tôt le lendemain, notre tâche de mendiants de la route.
Comme prévu, le lendemain, nous sommes en position, pouce en l'air, espérant un réponse prompte. Elle arrive très vite et 2 heures après, nous sommes à Perpignan. A ce moment, commence la galère ! Une quinzaine de concurrents sont alignés le long de la route devant le stade de cette ville.
Nous patientons pendant 6 ou 7 heures. A un certain moment, je glisse à mon Wallon "Bon, j'arrête, je continue seul". Seul, la chance me sourit : une voiture s'arrête, par hasard, c'est l'assistante sociale du collège de Fontenay-Aux-Roses, Madame Gendille, qui rentre sur Paris. Elle me reconnait et m'amène à Narbonne en fin d'après-midi. je décide d'y faire étape.
J'ai maintenant compris, je renonce à l'auto-stop et trouve un dortoir bon marché à l'auberge de jeunesse. Nous sommes jeudi et je téléphone à Nicolle afin qu'elle m'envoie un mandat télégraphique à la poste restante de la ville.
Je passe ma première nuit dans ce dortoir douteux, entouré de journaliers espagnols qui venaient travailler dans les vignes de la région, grosse productrice de gros rouge du Languedoc. Les vignes s'étendaient sur des kilomètres. Mes voisins de lit n'étaient pas très distingués, l'un toussait comme un perdu et crachait par terre, un autre me demandait toutes les heures "Quelle O il est ?", traduire "quelle heure est-il ?".
Le lendemain, je vais à la poste pour encaisser le mandat. Il n'est pas arrivé.
Il faut s'occuper : balade dans Narbonne, haltérophilie dans une petite salle bricolée et contiguë à l'auberge de jeunesse. J'y fais la connaissance d'un jeune gars qui s'escrime sur des barres de 70 kilogrammes à l'épaulé-jeté. Il est accompagné d'une bouteille de lait qu'il vide à moitié entre chaque mouvement, je l'écrase en soulevant sans problème ces barres, il était quand même plus léger que moi.
En fin d'après-midi, je retourne à la poste : pas de mandat. Je n'ai pas le moral car la poste est fermée les samedis et dimanches. Et là, 2 postières voyant ma détresse car je n'ai plus rien, me proposent de me prêter de l'argent jusqu'à lundi, date de l'arrivée probable du mandat. Elles avaient la trentaine, étaient souriantes, agréables, aimables. On constate qu'il y a sur terre des gens affables, gentils, désintéressés. Cela me fait plaisir de le raconter et donne une bonne opinion du genre humain.
Le week-end se passe en balades, barres d'haltérophilie, station aux fontaines, en gros l'occupation d'un SDF.
Je me souviens d'une jeune pâtissière, pas très jolie, qui nous a amené à l'auberge de jeunesse plein de gâteaux probablement invendus. Dans quelles intentions ? Peut-être par philanthropie ?
Enfin le lundi matin, je reçois le mandat, rembourse ma dette, prends le train et finis mon périple vers la Haute-Savoie où je rejoins ma chérie le soir même.
C'est dans les ennuis qu'on s'aperçoit qu'il y a sur terre des gens aimables, désintéressés, altruistes. Chapeau ! Bravo aux postières de Narbonne et à tous les gens de cet acabit et encore merci de la leçon.
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Automne 1959 : ma mère m'a raconté qu'elle avait vu Nicolle au cours d'un voyage avec Jacques et Ginette, mon frère et ma belle-sœur, dans les Alpes.
Automne 1959 : ma mère m'a raconté qu'elle avait vu Nicolle au cours d'un voyage avec Jacques et Ginette, mon frère et ma belle-sœur, dans les Alpes.
Guébriant, site de rêve... si on n'est pas malade ! |
Je vais la voir 2 fois à Guébriant.
La première avec Pierre Boubet et Roger Monti, dans la camionnette Citroën de celui-ci, voyage qui me rappelait l'équipée polaire de mes 10 ans. Il neigeait et nous avons fait un peu de ski. Roger et moi, étions depuis environs un an pris par le virus de ce sport. Nous étions débutants mais passionnés. Roger ou Pierrot, je ne souviens plus, avait eu d'ailleurs une petite entorse. Nicolle va à peu près bien, s'ennuie et refuse l'opération que certains médecins lui proposent [Hervé : heureusement !], ses cavernes s'étant stabilisées et ne régressant plus.
La seconde fois sera décisive pour notre future vie à 3. Effectivement, Nicolle était enceinte. Nous avions décidé de nous marier, mais après sa guérison et mon service militaire. Nous allons donc devancer l'appel et fixons la date au 5 mars 1960.
Le lac Vert, magnifique |
Afin d'obtenir un prolongement de sursis au service militaire, je m'étais inscrit en kinésithérapie et suivais des études à l'école rue de Cujas, Paris V. J'ai d'ailleurs fait 2 stages de massage, dont l'un, pittoresque, en rééducation à l'hôpital Saint Louis. Je ne savais rien faire, et on m'a mis au travail dans des conditions douteuses.
Après un hiver 1959-1960 où j'abandonne comme prévu la kinésithérapie, je rends 2 ou 3 visites à Nicolle dans les Alpes. A cette occasion, A pâques, pendant les cures de silence et de repos de Nicolle, je mets à profit ces temps morts pour visiter la région de Guébriant. C'est magnifique : à 500 mètres du sanatorium on arrive au plateau de Plaine Joux au pied d'un massif culminant à 2700 mètres ; c'est un chaos rocheux très large, en descendant un peu plus loin se niche le lac Vert, couleur de jade, ceinturé d'une forêt de conifères et regorgeant de truites. C'est merveilleux, calme, enchanteur. Du sanatorium, de l'autre coté de la vallée encaissées de l'Arve, surgit le massif du Mont Blanc et ses 3 ou 4 sommets à plus de 4000 mètres : Dôme du Gouter, Mont Blanc du Tacul et enfin le point culminant, le Mont Blanc proprement dit. C'est un spectacle de toute beauté, un des plus beaux points de vue de France.
En mars 1960, Nicolle était revenue des Alpes pour notre mariage. Le curé ou vicaire qu'elle connaissait me fait grâce de la communion, je suis baptisé, me demandant seulement si j'étais hostile à la religion. Ma réponse fut, non, indifférent. La cérémonie religieuse, simple, se passe à l'Eglise Saint Georges, la cérémonie civile à la mairie du XIXème.
Maman prépare un repas au 141 avenue Jean Jaurès entourés de papa, Jacques mon frère, sa femme Ginette et sa fille Annie, Françoise, ma sœur, Jean Book, le cousin de Nicole et sa femme Francine.
Le soir, nous allons au 52 de la rue de Strasbourg à Vincennes. L'appartement est inoccupé, monsieur Moro, mon "grand-père" est mort en 1957 et ma grand-mère maternelle est très malade et vit chez nous. En faisant connaissance de Nicolle, elle lui avait dit qu'elle avait des yeux de chat et que, malheureusement, elle ne connaitrait pas notre enfant. C'est vrai car elle décède à Jaurès début mai 1960.
Nicolle repart au sanatorium pour revenir accoucher au mois d'août. Entretemps, elle a appris que Marie-Lou, sa sœur, ne pouvait plus cacher sa grossesse, peu visible d'ailleurs. Elle a accouché de Marie-Christine le 24 février 1960. Cette année-là, c'est le baby-boom dans notre entourage entre Marie-Christine, Hervé et Laurence Boubet ; 3 petits français voient le jour dans ces 6 mois prolifiques.
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Tempêtes sous les crânes ! Il faut décider pour les 2 années à venir. Nicolle doit accoucher puis repartir en sanatorium pour 6 mois. Moi, je dois rentrer à l'armée à partir du 1er novembre 1960. Maman s'occupera du bébé jusqu'en juin 1961 et nous vivrons au 141 avenue Jean Jaurès, au moins jusqu'à la fin de mon service militaire. L'avenir n'est pas rose, et cette période est prévue de se prolonger jusqu'à mars 1963.
Nous arrivons au mois d'août 1960. Mes parents ont pris quelques jours de congé et Nicolle, revenue de Savoie, et moi tenons la boutique de mes parents quelques jours. Les jeux olympiques de Rome s'annoncent.
Un soir après le 15 août, Nicolle, dont l'accouchement est proche, et moi partons faire quelques courses rue de Meaux, rue très commerçante du XIXe arrondissement. Nous sommes devant le marchand de volailles, Nicolle dit "encore ces gosses qui jouent avec des pétards", en effet quelques petites détonations sèches me font lever les yeux. C'est le far-west ; un algérien en poursuit un autre. Ils ont chacun un revolver à la main ; ils se tirent dessus, l'un en marche avant, l'autre en arrière. C'est la panique ! Je prends Nicolle par le bras et nous nous enfonçons dans le premier couloir venu, suivis par une dizaine de personnes affolées comme nous. Notamment une femme qui s'accroche au bras de Nicolle en pleurant. Elle est terrorisée ! Il y a de quoi : une petite mare de sang macule le dos de son corsage, elle a été frôlée par une balle provenant de la rixe.
Coupure de presse... d'Algérie |
Au bout de quelques minutes, je sors de ce refuge et constate les dégâts ; le marchand de légumes de l'angle de la rue du Rhin git au sol, évanouit derrière sont comptoir, d'autres personnes sont touchées, je ne me souviens plus exactement. Mais surtout un nord-africain, perdant son sang, est accroché à un poteau de sens interdit, rue du Rhin. Des gens, en colère, encore sous le coup de cette rixe envisagent sérieusement de le lyncher ; certains disent qu'ils l'ont vu jeter son arme dans l'égout proche. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je me place au centre du cercle de 3 ou 4 mètres qui se forme autour du blessé, disant que, maintenant, il était inoffensif.
J'étais un peu inconscient. Cela n'a pas duré longtemps, la police arrive, revolver au poing. La vindicte populaire se retourne alors contre eux, "Ils arrivent toujours après la bagarre". Je les comprends ! Enfin, l'incident est clos, et Nicolle et moi ne sommes pas blessés, aucun de nous 3. Je pense que si c'était à refaire, j'attendrais 5 minutes de plus dans le couloir. Nous rentrons, étant habitués, dans ce quartier, à entendre parler de ce genre d'incidents.
Plus tard, j'ai appris que la rue du Rhin et la rue Petit qui la croise, 30 mètres plus loin, étaient des bastions du MNA, mouvement indépendantiste algérien, et que les algériens réglaient leurs affaires de racket entre mouvements (FLN-MNA) à coup de de revolver. La preuve !.
Quelques jours se passent et Nicolle est prise des premières contractions douloureuses. Nous partons donc en direction de l'hôpital Lariboisière. Le bébé est paresseux et la pauvre Nicolle va souffrir 48 heures avant que notre petit Hervé ne daigne naître vers 6 heures du soir le 30 août.
Yvette Delamotte |
Je suis prévenu par Yvette Delamotte, une amie, qui a eu plus de chance que moi au téléphone. Le bébé et la maman vont bien. Hervé est né à peu près en même temps que la médaille de bronze d'Abdou Seye au 200 mètres à Rome. Je suivais aussi cela de près.
A la première visite, je fais la connaissance de notre petit Hervé. Vu les circonstances, il est placé à Saint Vincent de Paul, isolé de sa mère puis à la pouponnière d'Antony. C'était excessif, mais peut-être nécessaire.
La rentrée se passe, puis arrive ce papier fatidique qui me convoque pour le 2 novembre 1960 au Mont Valérien. Nicolle m'accompagne jusqu'à la gare de Suresnes où je suis, avec d'autres, pris en main par un sous-officier. Nous nous quittons, elle en larmes, moi ne valant guère mieux.
Elle repartira sous peu à Guébriant, mes parents récupéreront Hervé. Quand à moi, je serai incorporé au 8ème régiment d'Instruction des Transmissions le soir même au fort du Kremlin-Bicêtre. La bonne nouvelle : ce corps de troupe ne part en Algérie qu'au bout de 14 mois.
35. Avril 1961, le putsch d'Alger, caporal de semaine.
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Les 2 premiers mois du service militaire sont consacrés à la formation commune de base, tir, armement, bagottage, au sein de la 4ème compagnie du 8ème RIT, puis je suis transféré à la 2ème compagnie, au Mont Valérien, pour être spécialisé comme mécanicien téléphone.
Pendant ce stage de mécanicien téléphone, j'apprends à dépanner de petits et obsolètes centraux de campagne. J'attends alors une nouvelle affectation.
Je passe les examens d'Elèves Officiers de Réserve, les EOR. Là, c'est bizarre, le gendre du colonel, qui est dans notre section, me dit : "tu es reçu". On attend les résultats officiels, et, finalement, je suis recalé. Les hypothèses, j'en ai plusieurs : le "piston" a peut-être chamboulé le classement ; des erreurs dues à mon émotivité face aux armes et notées par les officiers m'ont peut-être fait juger inapte au commandement au feu, ce qui était bien vu. J'avais très bien réussi les autres épreuves, me plaçant dans les meilleurs.
Mais cet échec fut, en fait, une chance : grâce à lui, finalement, je n'irai pas en Algérie : le capitaine Lecharles, commandant de la 4ème compagnie de Bicêtre est un fou d'éducation physique et j'y suis affecté comme professeur d'EPS.
Nous attendons tous notre permission avant de changer de caserne. La radio bourdonne très fort. Alger a la fièvre, c'est le putsch des généraux. Nous sommes consignés au Mont Valérien, en tenue de combat, théoriquement sur les dents. On ne sait pas grand chose ; on occupe le temps comme on peut, tournois de bridge, de volley. Tout le monde est présent à la caserne, même les officiers de carrière.
Une éclaircie se produit et je peux partir pour le fort de Bicêtre. Les bâtiments sont quasiment déserts. Les « bleus » ont été ventilés dans leur nouvelle affectation. Il ne reste que l’encadrement, sous-officiers et caporaux, et quelques reliquats en attente de réforme. Je m’installe n’importe où, dans une chambre. J’ai un réflexe salutaire car le caporal de semaine cherche des gardes de nuit sur les remparts. Il passe, me demande de quelle compagnie je suis. Je lui réponds de manière erronée que je suis de la 2e. Il a dû me prendre pour un idiot, et c’est tant mieux. Je l’ai échappée belle car si j’avais répondu la vérité, que j’étais de la 4e compagnie, j’étais bon pour la garde de nuit, attendant les paras qui ne viendront jamais. A ce sujet, on m’a même raconté que certaines sentinelles apeurées avaient tiré sur des cheminées des immeubles alentours, les prenant pour des ennemis. Je ne sais pas si c’est vrai.
Enfin, me voilà en place avec mon ami Marcel Mennezin des cours d’EPS et de parcours du combattant. Nous devenons tous 2 caporaux agrémentant notre manche de 2 petits galons bleus. Il est de coutume que les nouveaux nommés assurent la semaine. Cette période commence le mercredi soir. Sous les ordres d’un sergent, assisté d’un planton, nous couchons à la semaine et assurons le service courant, rassemblement, pourvoi de corvée, courrier. Ce n’est pas marrant.
Je commence cette semaine sous les ordres du sergent Hafidi, grand, costaud, arabe, sympathique, pas dur avec ses hommes. Aujourd’hui, on dirait : cool. Le vendredi soir il me dit : « Je sors, tu t’occupes de tout », bien, sergent, pas de problème. Je ne le revois plus et finis la semaine tout seul. Ce n’est pas mortel, j’apprends à me débrouiller.
Et Hafidi !! Et bien, Paris a été le théâtre de manifestations et d’affrontements sanglants entre nord africains partisans de l’indépendance algérienne et forces de l’ordre avec coups de feu et pas mal de victimes. Le sergent sympa était dans le coup : il avait volé à l’armurerie de la compagnie un revolver et un pistolet-mitrailleur, s’en était servi et avait été pris. Personne ne l’a vu revenir à la 4e compagnie. Le caporal-chef et le caporal responsable de l’armurerie ont payé : prison puis départ anticipé en Algérie. Les malheureux avaient une planque, ils l’ont perdue.
Hafidi y était, c'est probable |
La 4e compagnie me faisait penser au film « où est passée la 7e compagnie » même arme, même vétusté, avec un peu plus de sérieux quand même.
Nicolle est rentrée de Guébriant durant l’été 1961. Elle vit au 141, avenue Jean Jaurès avec notre petit gars et mes parents qui ont tendance à accaparer Hervé ; ce qui chagrine un peu Nicolle. Bien sûr, je comprends mes parents, ils l’ont élevé seuls durant les 6 premiers mois de sa vie et ils s’y sont attachés. Il marche depuis fin août, fait ses petites bêtises d’enfant très éveillé : un jour, il réussit à faire couler le tuyau d’évacuation de la machine à laver et se réjouit de piétiner l’eau. Un autre jour, il manque de passer par la fenêtre du balcon en grimpant sur le garde-fou.
Je vis une vie de petit fonctionnaire, 4 professeurs de sports officient à la 4eme compagnie : Mennezin, Gautheron, Mazerot et moi. De mon coté, un peu fayot, mais pas trop, je passe sergent, un galon d’or sur la manche, sous-officier en même temps que mon ami Marcel. Je mange au mess, je n’ai plus besoin de permission en sortant tous les soirs ; fin avril, je toucherai ma paie de l’administration étant considéré comme au-delà de la durée légale.
De Gaulle avait donné l’indépendance aux pays d’Afrique noire ; cela nous a valu de faire 2 ou 3 fois la haie sur les Champs-Elysées pendant que le grand Charles recevait les présidents ou plutôt les roitelets noirs.
Un autre fait politique intervient : la paix en Algérie. J’étais programmé pour partir au bout de 16 mois d’armée en Afrique du Nord. Sergent dans une compagnie d’instruction, je suis maintenu 2 mois. Je pars à Mourmelon en manœuvres pré-AFN, après le 1er vote auquel je participe. Je ne souffre pas dans ce séjour car je suis en très bonne forme physique et les marches de 30 kilomètres sont une formalité.
Second coup de théâtre : le contingent auquel je suis rattaché ne part plus en Afrique du Nord, quel coup de chance !
Dehors, ça barde, l’OAS multiplie les attentats à Alger et en métropole. Un soir, probablement au mois de juin, je m’apprête à sortir de la caserne. Stupeur ! Personne ne sort, pas plus les officiers que la troupe. Que se passe-t-il ? on ne sait rien ! Une heure plus tard, vers 7 heures, on nous laisse sortir. On s’engouffre tous vers la porte, et, 'adios', à demain matin.
Le lendemain, j’ai l’explication par un copain qui n’était pas sorti à 19 heures. Une soi-disant patrouille en ville avait été organisée, brelages, chaussures astiquées, fusils et pistolets mitrailleurs en bandoulière ; le sergent Corsini et 6 hommes de troupe en font partie. Après leur départ, on les a pas mal promenés pour arriver en pleine nuit au fort d’Issy-Les-Moulineaux. Et là, mon narrateur pâlit : les 6 soldats choisis sont placés avec des militaires d’autres corps pour officier à une peloton d’exécution, qui, d’après mon copain devait être tiré au sort. Et comme par hasard, ce sont les gardes mobiles qui vont opérer : les dés étaient bien entendus pipés.
Je passe sur les détails funèbres ; 2 adjudants de l’OAS seront fusillés. Ils ne l’avaient peut-être pas volé. Mais j’ai échappé à cette tâche particulièrement désagréable dans les fossés d’Issy-Les-Moulineaux.
Marcel qui est entré au service militaire 2 mois avant moi est libéré fin juillet. Car autre miracle, la France n’a plus besoin de soldats, elle relâche les contingents tous les mois au lieu de tous les 2 mois.
Quand à moi, je devais, de ce fait, être libéré le 1er novembre 1962 au bout de 2 ans d’armée. Coup de chance, je suis enseignant et les écoles avaient besoin de professeurs, je termine cette sinécure le 1er septembre 1962. C’est le bonheur ! Cette page se tourne. Finalement cette étape n’a pas été très dure et laisse pas mal de souvenir, ici contés.
37. Fin 1962, le passage de Jaurès à Laumière.
Sommaire
Le jour de l’attentat du petit Clamart, je sors de l’armée. Je suis confirmé à mon poste à Fontenay-Aux-Roses. La ville a pris de l’ampleur pendant mon service. Les Blagis sont construits, la population a, à peu près doublé, j’ai donc un poste complet à la rentrée. Nous habitons au 141 avenue Jean Jaurès, à Paris, et Nicolle en a assez de vivre dans l’arrière-boutique des mes parents. La proximité de mes parents, l’ombre de l’affection qu’ils portent à Hervé, tout cela l’oppresse. Je la comprends, mais suis très embêté et ai du mal a couper les liens.
20, avenue Laumière, 3e étage. |
Au 20, avenue de Laumière, Marie-Lou, la sœur de Nicolle vit dans la chambre de leur défunte mère. Elle apprend qu’à l’étage une habitation va se libérer. Elle propose à sa sœur de la prendre et de nous céder la chambre-cuisine. Nous sommes d’accord, Nicolle enthousiasmée et moi sur la pointe des pieds. Elle a cependant raison. L’appartement des Coail nécessite une réfection, la pose d’un chauffe-eau. Il est décidé que je le ferai. Bricoleur comme je le suis, c’est un désastre. Je fais appel à un copain d’armée, Valadon, qui vient à mon secours moyennant finance, ce qui est normal. Et, aux alentours du 1e novembre 1962, nous entrons dans notre palace. Nous y resterons tous les 3, un an et demi.
Je crois que nous pouvons dire un grand merci à Marie-Lou pour sa gentillesse quels que soient les rapports que nous entretiendrons par la suite.
Les souvenirs de cette vie dans le quartier, à coté de Nadine et Pierrot Book, des amis, de Marie-Lou et ses soupirants sont inoubliables.
2 ou 3 anecdotes : Hervé se réveille une nuit et me demande de lui raconter Nif-Nif, Nouf-Nouf, Naf-Naf. Quel coquin, il est très éveillé, pas de défaut de prononciation, sa mère lui parlant beaucoup. Il est affectueux, vif, gentil et même drôle. Et sa passion des trains ! Il fallait toujours aller aux Buttes-Chaumont vers 7 heures pour aller voir un train qui passait sur la petite ceinture vers 8 heures moins 20 « passé pont, rentre dans le tunnel ». Marie-Lou avait repris un temps Marie-Christine et les 2 cousins jouaient ensemble et surtout avaient une sainte trouille de la 'sorcière', madame Viguier, surtout quand il fallait aller au WC sur le palier. Dixit Marie-Christine « Y fait Moir dans le cougnard ».
Des évènements sont intervenus dans ce laps de temps, grève des mineurs, et donc pas de charbon, assassinat de Kennedy.
Un an et demi d’une belle vie.
38. Août 1963, voyage au XIXe siècle.
Moi, Annie, Hervé et Nicolle |
Au mois de juillet, nous partons à Saint Aubin, tous les 3 accompagnés de ma petite nièce Annie, âgée de 5 ans, la fille de mon frère Jacques et de sa femme Ginette. C'est une gentille petite fille, bien élevée, sans problème, très débrouillée, ne se laissant pas faire et qui s'entend très bien avec Doudou, surnom de notre fils Hervé. Je me souviens de balades sur la digue en mangeant de la glace et de la guimauve, de beaux châteaux de sable, de baignades glaciales. La Manche, quoi.
En août, j'ai probablement travaillé dans un centre aéré, mais je ne m'en souviens plus.
Fin août, nous avons décidé d'aller rendre visite à la grand-mère de Nicolle, Maria, une femme exemplaire. Jugez plutôt : elle a élevé ses 8 enfants, puis 3 petites filles dont les parents, sa fille et son gendre, étaient morts jeunes de tuberculose, et enfin Nicolle de l'âge de 6 mois à 6 ou 7 ans. Nicolle a d'excellents souvenirs de cette période, parlant le Breton avant le Français.
Le Tad-Coz, grand-père en Breton était décédé 2 ans plus tôt ; je l'avais rencontré une fois, c'était un très brave homme, alors que nous commencions à nous fréquenter, Nicolle et moi. Il m'a dit spontanément : "Alors, tu es mon petit-fils", touchant et résumant son caractère doux. Il n'avait jamais eu tracteur, uniquement des chevaux pour exploiter sa ferme.
Nicolle avait écrit à "Mam-Coz", grand-mère en Breton, qui nous accueillerait chez elle à la "Garenne", à Guerlesquin aux confins du Finistère et des Cotes d'Armor.
Nous arrivons à sa chaumière par un chemin non goudronné où pousse une nappe de cèpes. Nous entrons par une porte étroite donnant sur l'âtre à gauche, près de la petite table. De toutes petites fenêtres éclairent à peine ce logis de plein pied. La grand-mère refuse l'électricité alors que le poteau d'alimentation est presque contre la maison. Elle s'éclaire à la lampe à pétrole, n'a pas de cuisinière, uniquement la cheminée pour faire la cuisine et se chauffer. Le sol est en terre battue ; c'est la première fois que je vois cela dans une habitation du 2ème tiers du XXème siècle. C'est propre, sans reproche, mais sans la lampe à pétrole, ce serait le moyen-âge. 2 lits clos, l'un dans le prolongement de l'autre, l'un d'eux est à coté de la cheminée. Nous dormons avec Hervé dans le 2ème. Nous dégusterons pendant 2 à 3 jours une excellente potée réchauffée sur les chenets de l'âtre. C'est incroyable ! Et la Mam-Coz : une petite femme âgée toute de noir vêtue, percluse de rhumatismes, elle nous a accueillis dans ce logement hors du temps. Nicolle m'a dit qu'elle portait encore une coiffe les jours de fête.
Quel accueil charmant, quel dépaysement, quel retour à la vie simple, chaleureuse, humaine. Je ne suis pas près de l'oublier et sans ironie, ni arrière pensée.
Nous la quittons et finissons nos vacances dans une petite pension à la mer, sur la très jolie côte de Ploumanac'h au pied d'un chaos de granit rose.
Que la Bretagne est belle !
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